Une partie de la vie de WOODY résolue. - Partie 2
- museedelta
- il y a 9 heures
- 9 min de lecture
A l’occasion de la rédaction en décembre 2024 de la première partie de notre article consacrée à WOODY, Laurent a suggéré de pousser les recherches plus loin pour en savoir plus sur cette intéressante maquette en bois.

Juin 1967 WOODY tracté depuis le hangar de construction vers le 27eme salon du Bourget

Capture d’écran GOOGLE MAP 2025 montrant l’endroit où a été prise la photo ci-dessus en 1967.
Début des recherches :
Nous commençons par visiter le site de nos amis de Heritage Concorde :
Et on y découvre ces quelques lignes :
Below is a picture showing a full-size wooden Concorde mock-up, first displayed at the 27th Paris Air Show. Afterwards it was moved to Orly Airport where it could be visited by the public, until it was set alight and destroyed some years later by vandals.
Traduction « Ci-dessous, une photo montrant une maquette grandeur nature du Concorde en bois, présentée pour la première fois au 27e Salon du Bourget. Elle fut ensuite transportée à l'aéroport d'Orly où elle pouvait être visitée par le public, jusqu'à ce qu'elle soit incendiée et détruite quelques années plus tard par des vandales ».
Petite précision : dans notre prochain article on donnera les explications à la dernière phrase.
On découvre quelques informations intéressantes sur les maquettes en bois réalisées en Grande Bretagne mais aucune réponse satisfaisante à la question : où et par qui a été construit WOODY ?
N’en déplaise à nos amis Britanniques comme cet article décrit surtout les maquettes britanniques, nous décidons de poursuivre nos investigations…
C’est le 3 décembre 2024 à l’occasion de la Commission Mémoire organisée par Paul DAMM responsable de la Mission Patrimoine de la DGAC que nous rencontrons la responsable du Pôle Archives et Gestion de la Connaissance du groupe AEROPORTS DE PARIS qui nous invite à venir consulter les archives dont ils disposent, que nous allons utiliser pour nos articles.
Rendez-vous est pris début 2025 et dès la première visite à la salle de lecture nous avons eu une première révélation : ce courrier interne datée du 12 décembre 1963 de Monsieur Pierre D. COT Directeur Général d’ADP qui adresse à un de ses collaborateurs cette note d’un visionnaire, pour la réalisation d’une maquette échelle 1 du futur Concorde.
Nous demandons l’indulgence à nos lecteurs en langue Anglaise de ne pouvoir traduire tous ses documents plus qu’intéressant, on les joint uniquement pour attester de leur existence.
We ask our English-speaking readers for their indulgence in not being able to translate all of these more than interesting documents; they are attached only to attest to their existence.

Archives du Groupe ADP / DR
La qualité des documents qui nous sont mis à disposition est exceptionnelle.
On y découvre les minutes des correspondances et des échanges entre les différents services qui ont effectué des études très avancées sur la faisabilité et de la rentabilité du projet, mené en étroite coopération avec SUD AVIATION et aussi pour déterminer les emplacements possibles au Bourget ou à Orly,
Au hasard en lisant ces documents on trouve des informations intéressantes sur la fréquentation des deux aéroports en 1963 :
ORLY : 3 354 000 accès aux terrasses et 207 000 aux visites guidées.
Le BOURGET : 219 000 accès aux terrasses et 8 000 aux visites guidées.

Dans l’ensemble de tous les échanges consultés entre ADP et SUD AVIATION, on constate la grande volonté et l’intérêt des deux parties à vouloir réaliser en commun une maquette grandeur réelle de Concorde.
Ci-dessous dès le mois de mai 1964 un nouveau courrier du Directeur Général confirmant son accord et l’engagement d’ADP à participer par une avance de 500.000 Francs dans la réalisation du projet, ainsi que le montant de 22.5% de ristourne qui sera reversée à SUD AVIATION sur les recettes futures qui seront réalisées par les visites guidées et qui financeront durant les années à venir la réalisation de la maquette.

Malgré l’avancement du projet et la proximité du salon 1965, finalement cette première initiative reportée à plus tard.

Archives du Groupe ADP / DR
Dans l’ensemble de tous les échanges consultés entre ADP et SUD AVIATION, on constate la grande volonté et l’intérêt des deux parties à vouloir réaliser en commun une maquette grandeur réelle de Concorde.
Ci-dessous dès le mois de mai 1964 un nouveau courrier du Directeur Général confirmant son accord et l’engagement d’ADP à participer par une avance de 500.000 Francs dans la réalisation du projet, ainsi que le montant de 22.5% de ristourne qui sera reversée à SUD AVIATION sur les recettes futures qui seront réalisées par les visites guidées et qui financeront durant les années à venir la réalisation de la maquette.
Archives du Groupe ADP / DR
Extrait de l’étude de faisabilité en 1964

Archives du Groupe ADP / DR
Malgré l’avancement du projet et la proximité du salon 1965, finalement cette première initiative reportée à plus tard.

Archives du Groupe ADP / DR
Le projet est repris de nouveau en 1966 pour finaliser la construction pour le 27eme salon en 1967.
Dans cette importante documentation entre ADP et SUD AVIATION, que nous ne jugeons pas utile de reproduire ici car il n’est question que des aspects juridiques, financiers ainsi que les négociations pour arriver à un contrat définitif qui définira la vie de WOODY pour les années à venir.
Maintenant revenons à notre maquette.
Et quoi de mieux pour vous présenter la construction de WOODY que le dépliant réalisée pour le Salon 1967 par la société LA MAQUETTE D'ÉTUDE ET D'EXPOSITION, dont nous reproduisons ici l’ensemble des textes en dérogeant sur la mise en page initiale pour mieux mettre en évidence les informations intéressantes.

Cette maquette à l'échelle 1, unique dans le genre, a été réalisée par la Société "LA MAQUETTE D'ÉTUDE ET D’EXPOSITION" et étudiée par son Ingénieur-Conseil M. R. VITROTTO, en étroite collaboration avec les Sociétés SUD-AVIATION et BAC.
Elle a été construite selon les techniques traditionnelles employées dans l’aéronautique.
Commandée en juillet 1966, après dix mois de travaux, cette maquette commence une carrière de présentation de six ans, elle doit sous les rapports conjoints de la solidité et de la sécurité, pouvoir résister d'une part aux efforts aérodynamiques que subit un avion réel au parking, freins bloqués et, éventuellement, élingué en cas d'ouragan à des points fixes au sol, comme c'est l'usage, sans subir de détérioration et, d'autre part, résister aux accumulations momentanées de neige, de grêle ou de givre. Elle présente également les caractéristiques de résistance aux charges de personnes en visite qu'il faut, par sécurité, considérer supérieures au poids des passagers transportés dans l'avion réel.

Les avantages majeurs d'une telle maquette sont, notamment, sa mobilité pour un transfert sur n'importe quel parking de son aéroport de stationnement et son fractionnement en tronçons d'une taille raisonnable permettant son transport vers tels points du monde lorsque la production franco-britannique doit y être présente. Et, enfin, si son aspect d'objet d'exposition est important, celui d'un objet de démonstration et d'entrainement est à retenir (entraînement des hôtesses et stewards, du personnel de piste, équipes de remorquage, de chargement, de déchargement des soutes, d'alimentation en carburant, de sécurité, de lutte contre le feu etc.)
Ses caractéristiques sont celles de la version de Concorde de présérie :
- Longueur : 58,86 m.
- Envergure : 25,56 m.
- Hauteur de la dérive au-dessus du sol : 11,53 m.
- Masse totale de la maquette équipée : 31 tonnes.
Le train de roulement est une reproduction fidèle du train d'atterrissage réel, il est équipé de roues et pneus réels. L'aménagement est prévu pour 125 passagers dont 116 en classe « touriste » et 9 en « 1ere classe», les fauteuils de 1ere classe sont des « ESPACE-UNIVERSELS » (3 simples et 3 doubles) du type réel, alors que les 58 fauteuils doubles de la classe « touriste » sont maquettés cependant d'aspect identique aux autres. Tous ces fauteuils sont fixés sur des rails en AU 2 GN du type prévu pour la série, qui permet d'étudier de nombreux modes d'aménagement. L'espace entre les pieds de fauteuils est garni de cache-rails en plastique de couleurs assorties aux tapis ; la décoration de l'ensemble est typiquement française. Les équipements de l'intérieur : toilettes, vestiaires, racks à valises, strapontins d'hôtesses, etc., sont absolument semblables à ceux des avions réels.
Les hublots munis de trois panneaux transparents en Altuglas sont encastrés dans des cadres en plastique moulé au nombre de quatre par hublot et garnis de rideaux semi-rigides à coulissage vertical.
La maquette est insonorisée et isolée thermiquement par 350 m2 de matelas de laine de verre de 40 mm d'épaisseur.

Un conditionnement d'air électrique muni de 300 m de gaines d'aspiration et de soufflage maintient une température agréable quelle que soit la saison.
La pointe avant à géométrie variable fonctionne suivant le principe de celle de l'avion de présérie dans l’amplitude du mouvement ; montée sur vérins électromécaniques à vis à bille elle peut manœuvrer automatiquement ou bien, comme sur l'avion réel, être commandée depuis le poste de pilotage.
Créateur d'ambiance, l'éclairage de la maquette est également fonctionnel pour la signalisation intérieure et extérieure (panneaux indicateurs internes, feux de position, etc.). Avec la sonorisation, les électro mécanismes et l'éclairage, plus de 5 km de fils et câbles et près d'une tonne de matériel électrique, électromécanique et électronique divers, ont été employés. Extérieurement, la maquette est décorée aux couleurs de Sud-Aviation et B.A.C.
La maquette est constituée de 55 parties principales démontables comme suit :
- 28 éléments pour la voilure et ses élevons,
- 9 éléments pour le fuselage,
- 4 éléments pour la dérive et ses gouvernes de direction,
- 2 éléments pour les nacelles réacteurs,
- 12 éléments pour les trains.
Ces éléments sont assemblés entre eux par plus de 2 000 boulons à haute résistance et les joints sont garnis de « Secomastic » pour assurer leur étanchéité.
La structure de la maquette est constituée en premier lieu par une ossature de sécurité métallique sous forme de longerons et nervures d'ailes, de longerons de fuselage, de pièces maîtresses de train et d'une grande quantité de ferrures diverses, le tout représentant
- 13,6 tonnes d'acier doux soudé,
- 0,8 tonne d'acier allié à moyenne où à haute résistance et
- 0,2 tonne d'acier inoxydable

Le soudage â l'arc électrique de cette ossature a nécessité près de
- 20 000 électrodes de diamètre 3,2 et 4 mm, représentant plus de 6 km de cordons de soudure de qualité contrôlée.
En second lieu, des structures secondaires en contreplaqué qualité extérieure ou marine complètent la structure métallique sous forme de cadres et lisses de fuselage ou de nacelles réacteurs, faux longerons et lisses de voilure, longerons de dérive et de gouvernes, etc.
Ces éléments, en général, épais de 40, 20 ou 10 mm représentent 5 tonnes de contreplaqué dont la durée naturelle propre voit ses qualités renforcées par protection fongicide et ignifuge au moyen de produits chimiques appropriés.
Enfin, ces structures principales et secondaires sont habillées de revêtements travaillants, totalement ou partiellement métalliques.
Les revêtements à forte courbure ou à forte contrainte sont chaudronnés en tôle d'AG 3 (DURALINOX) d épaisseurs échelonnées entre 0,8 et 3 mm, d'une masse totale de 2 tonnes environ tels sont :
- pointes avant et arrière du fuselage,
- carènes Karman habitacle pilote
- carénages de servodynes,
- bords d'attaque de voilure et de dérive,
- embase de dérive,
- cadres de panneaux d'accès, etc.
Les revêtements à faible courbure ou à contrainte moyenne de tout le reste de la maquette sont en tôle de 0,6 mm raidis par : contre-collage sur contreplaqué qualité extérieure de 3,5 mm ou PL YMAX. Il a été utilisé environ :
- 4 tonnes de « PL Y MAX-AG 3 » (plaqué d'AG 3) et
- 2 tonnes de « PL Y MAX-INOX » (plaqué d'acier inoxydable).
Les assemblages des revêtements chaudronnés en AG 3 ou des PL YMAX et des structures secondaires réalisés par rivetage ou vissage avec collage à I' « ARALDITE » ont nécessité près de
- 30 000 rivets « CHOBERT »,
- 8 000 rivets « RIVEKLÉ >>,
- 100 000 vis et
- 0,2 tonne d'ARALDITE.
Cette maquette, malgré sa complexité et le nombre important de détails relevant de spécialistes de tous ordres, a été réalisée en dix mois. Cette maquette présentée au SALON INTERNATIONAL DE L'AÉRONAUTIQUE ET DE L'ESPACE 1967, est le résultat d'un effort constant de tous les collaborateurs de la MAQUETTE D'ÉTUDE ET D'EXPOSITION, du Bureau d'Engineering R. VITROTTO, ainsi que des Ingénieurs et des Techniciens de Sud-Aviation destinés à suivre la réalisation.

Et sur la dernière page de ce dépliant MEE a voulu associer toutes les sociétés et les fournisseurs qui ont participé à la réalisation de la maquette.

Malheureusement la société MEE est disparue il y a quelques années, nous sommes persuadés que nous aurions pu avoir des révélations encore plus intéressantes sur cette magnifique réalisation.
Et après les explications de MEE, on ne peut pas résister à ajouter de nouveau cette superbe photo de Jacques GUILLEM qui montre WOODY durant le 27eme salon du Bourget en 1967.

Durant les dix jours du salon 1967 la maquette a reçu 97.000 visiteurs (13.000 en une seule journée).
A partir du 8 juillet commence la nouvelle vie de WOODY et les premières visites après salon.
Dans le plus important des documents consultés la Convention n° 70-169 du 10 Aout 1967 signé par Monsieur Louis GUSTA Directeur Général de SUD AVIATION qui met à disposition d’ADP la maquette pour une période de cinq ans.
Une autre grande surprise :
La Convention révèle aussi que SUD AVIATION avait envisagé l’éventualité du transfert de la maquette en Angleterre du 16 octobre 1967 au 29 Février 1968.
On pourrait réaliser tout un livre sur WOODY, donc à suivre…
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